Mieux connaître et combattre les agents pathogènes transmis par les tiques
Il existe près de 1 000 espèces de tiques dans le monde, seules quelques-unes sont vectrices d’agents pathogènes. Celles-ci représentent néanmoins les vecteurs qui transmettent la plus grande variété d’agents pathogènes (bactéries, virus et parasites) au monde. Elles sont responsables de maladies infectieuses pour les humains et les animaux et sont le principal vecteur d’agents pathogènes pour les animaux en Europe.
Quelles maladies sont liées aux tiques ?
Les maladies liées aux tiques peuvent être d’origine :
- bactérienne : maladie de Lyme, rickettsiose, tularémie, bartonellose, etc. ;
- virale : encéphalites à tiques, fièvres hémorragiques telle que la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, louping-ill du mouton, etc. ;
- parasitaire : piroplasmose canine, babesiose bovine, anaplasmose, etc.
En France, la principale maladie humaine liée aux tiques est la maladie de Lyme qui est transmise par Ixodes ricinus. L’Anses étudie à la fois les tiques et les agents pathogènes qu’elles transmettent, afin de les identifier, de les caractériser et de lutter contre leurs effets nocifs.
En savoir plus sur les vecteurs et les maladies qu'ils transmettent.
Comment les tiques transmettent-elles les agents pathogènes responsables de maladies ?
Les tiques se nourrissent du sang des animaux ou des humains sur lesquels elles se fixent. Elles peuvent alors s’infecter en prélevant des agents pathogènes sur des hôtes infectés. Elles vont ensuite multiplier et retransmettre ces agents pathogènes à d’autres hôtes sur lesquels elles vont prendre un autre repas de sang : les tiques sont donc des « vecteurs » d’agents pathogènes responsables de maladies animales et humaines. La transmission se fait principalement par le biais de leur salive.
Les tiques sont de très bons vecteurs car :
- pour beaucoup d’espèces, elles prennent des repas sanguins volumineux (certaines femelles sont capables d’absorber jusqu'à 100 fois leur poids de sang) et longs (d’environ 3 à 12 jours selon le stade de développement). Elles ont ainsi plus de chances d’absorber et de transmettre un agent pathogène que d’autres espèces. À titre d’exemple, on estime que la tique Ixodes ricinus femelle absorbe environ 1 mL de sang ;
- accrochées à leur hôte, elles peuvent parcourir de très grandes distances (dissémination importante) ;
- grâce à leur durée de vie très longue (plusieurs années), elles maintiennent longtemps ces agents pathogènes dans la nature ;
- pour beaucoup d’espèces, elles se nourrissent sur plusieurs types d’hôtes différents, qui peuvent être porteurs d’agents pathogènes variés et permettent ainsi une très bonne circulation des micro-organismes au sein des espèces animales. Par exemple, les nymphes d’Ixodes ricinus peuvent faire leur repas de sang sur des oiseaux (passereaux) ou micromammifères (rongeurs), et les adultes sur de plus gros animaux (cerfs, chamois…) ou des êtres humains ;
- elles se reproduisent en très grande quantité (d’une centaine d’œufs à plusieurs milliers selon les espèces) ;
- grâce aux substances présentes dans la salive qu’elles injectent, leur piqûre est indolore.
La maladie de Lyme, principale maladie humaine liée aux tiques dans l’hémisphère nord
En France, la principale maladie humaine liée aux tiques est la maladie de Lyme. Elle est provoquée par une bactérie appartenant au groupe Borrelia burgdorferi sensu lato, qui comprend au moins 5 espèces pathogènes pour l’être humain, et est présente sur le territoire français.
Quelques jours après la piqûre de tique, en cas d’infection, un érythème migrant (halo rouge caractéristique sur la peau) apparaît autour du point de piqûre et s’étend de façon circulaire. À ce stade, un traitement antibiotique permet d’enrayer la maladie. En l’absence de traitement, la maladie peut provoquer des atteintes cutanées, musculaires, neurologiques et articulaires pouvant être très invalidantes. Un traitement antibiotique existe, efficace s’il est administré rapidement, d’où l’importance d’un diagnostic rapide après une piqûre de tique.
La fièvre hémorragique de Crimée-Congo : une émergence possible en France
La tique Hyalomma marginatum, présente en Corse depuis plusieurs années, pourrait étendre son implantation dans l’hexagone à la faveur des changements climatiques. Cette tique qui apprécie les climats secs et les périodes chaudes peut notamment transmettre la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC). Chez l’humain, cette maladie se limite généralement à un syndrome grippal avec troubles digestifs. Dans certains cas, elle peut néanmoins s’aggraver et se traduire par un syndrome hémorragique, dont le taux de létalité atteint 30 % dans certains pays. À ce jour, en France, aucun cas autochtone n’a été détecté chez l’humain, mais des cas sont enregistrés chaque année en Espagne depuis 2016.
En savoir plus sur la fièvre hémorragique Crimée-Congo et son risque d’émergence en France.
L’encéphalite à tiques, un virus pouvant provoquer des troubles neurologiques
Le virus de l’encéphalite à tiques est principalement transmis à l’être humain par des piqûres de tiques du genre Ixodes infectées. Des cas peuvent aussi survenir suite à la consommation de produits laitiers non pasteurisés. En effet, les ruminants peuvent être infectés par la piqûre d’une tique et excréter le virus dans le lait pendant plusieurs jours.
Chez l’être humain, des symptômes se manifestent dans 20 à 40% des infections. Ils sont principalement de type grippal (fièvre, fatigue, maux de tête, courbatures, malaises) et digestifs. Un tiers des cas cliniques peuvent évoluer vers une forme plus sévère, avec apparition de signes neurologiques de type méningites ou méningo-encéphalites, entraînant l’hospitalisation des patients. Cette maladie peut causer de graves complications, avec des séquelles neurologiques (paralysies, troubles du comportement ou de la mémoire) pouvant persister plusieurs années.
Comment se protéger des piqûres de tiques ?
Pour vous protéger des piqûres de tiques, lors de vos promenades en forêt, dans la garrigue ou le maquis, ou lorsque vous passez du temps dans votre jardin :
- portez des chaussures fermées et des vêtements couvrants de couleur claire (afin de mieux repérer les tiques sur la surface du tissu)
- évitez de marcher au milieu des herbes hautes, des buissons et des branches basses et privilégiez les chemins balisés
- inspectez-vous au retour de vos promenades
- en cas de piqûre, détachez immédiatement les tiques fixées à l’aide d’un tire-tique, une pince fine ou à défaut vos ongles (n’utilisez en aucun cas de l’éther ou tout autre produit) et désinfectez la plaie
- surveillez la zone de piqûre pendant plusieurs jours et consultez votre médecin en cas de symptômes
- utilisez éventuellement des répulsifs, en privilégiant ceux disposant d’une autorisation de mise sur le marché et en respectant leurs conditions d’emploi (l’ensemble de ces informations figurent sur l’étiquette, l’emballage et/ou la notice des produits ).
Suite à une piqûre de tique, consultez immédiatement votre médecin en cas d’apparition de symptômes (fièvre, fatigue, rougeur).
Retrouvez notre infographie sur nos recommandations pour se protéger des tiques (PDF)
Que fait l'Anses sur les tiques ?
Plusieurs laboratoires de l’Anses font des recherches sur les tiques
Le laboratoire de Santé animale de Maisons-Alfort, étudie les tiques et les agents pathogènes transmissibles par les tiques. Pour ce faire, des collectes de tiques sont régulièrement organisées dans différentes régions françaises. Les agents pathogènes présents dans les tiques sont ensuite identifiés par des techniques à haut débit et le laboratoire développe des méthodes innovantes permettant d’améliorer la surveillance épidémiologique de ces agents pathogènes. La compétence des tiques à transmettre les agents pathogènes identifiés fait également l’objet de travaux de recherche ainsi que l’étude des interactions tiques, microbiote des tiques, agents pathogènes. Enfin le laboratoire développe des outils innovants de lutte contre les tiques, comme des vaccins anti-microbiote de tique.
Le laboratoire de la rage et de la faune sauvage étudie l’éco-épidémiologie des agents infectieux transmis par les tiques. Il vise ainsi à mieux connaître leurs cycles épidémiologiques au sein de la faune sauvage et les interactions hôtes-vecteurs-pathogènes. Un autre objectif est de connaître la distribution des tiques et des agents infectieux qu’elles hébergent, ainsi que les facteurs influençant ces distributions. Enfin, le laboratoire s’intéresse aux situations à risque d’exposition aux piqûres de tiques pour l'être humain et à ses agents infectieux. Dans le cadre de ses travaux, il étudie en particulier le virus de l’encéphalite à tiques.
D’autres laboratoires de l’Anses étudient les maladies transmises par les tiques de façon plus ponctuelle, comme le laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, qui a participé à une recherche sur le rôle des tiques dans la transmission de la peste porcine africaine. Ces études permettent à l’Anses de mieux connaître les agents pathogènes transmis par les tiques et donc de mieux lutter contre les maladies infectieuses.
Cette thématique de recherche, à l’interface entre santé animale et santé humaine, s’intègre parfaitement dans le concept « Une seule santé » (One Health) que les autorités sanitaires internationales mettent en œuvre.
En savoir plus sur le groupe ‘Tiques et Maladies à Tiques’ auquel participent des chercheurs de l'Anses.
Évaluation des risques
De plus, l’Anses réalise depuis 2018 des expertises scientifiques spécifiques sur les vecteurs et la lutte anti-vectorielle. Cette mission vise à appuyer les autorités publiques pour mieux prévenir et lutter contre les risques liés aux transmissions d’agents pathogènes par les vecteurs, dont les tiques.
Évaluation des produits biocides
L’Anses est également en charge de l’évaluation des risques pour l’humain, l’animal et l’environnement, et de l’efficacité des substances actives et produits biocides. En Europe, 12 substances actives susceptibles de présenter une efficacité contre les tiques sont approuvées ou en cours d'examen en vue de leur approbation. En raison de la mise en œuvre progressive du Règlement biocide, la grande majorité des produits revendiquant une efficacité répulsive contre les tiques ne sont pas encore soumis à autorisation de mise sur le marché (AMM) et n’ont par conséquent pas encore fait l’objet d’une évaluation.
Les produits disposant d’une AMM ont fait l’objet d’une évaluation complète, et l’autorisation de mise sur le marché est alors assortie d’instructions d’emploi (doses et durée de protection notamment) garantissant, dans les conditions d’emploi préconisées, une protection efficace contre les tiques et l’absence d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement. La liste des produits disposant d’une AMM et dont l’efficacité a donc été vérifiée est appelée à évoluer au fur et à mesure de l’instruction des dossiers et en fonction de l’approbation des substances actives au niveau européen.
A ce jour, seuls les produits contenant exclusivement du DEET comme substance active ont fait l’objet d’une évaluation achevée et l’évaluation de produits à base d’IR3535 est en cours de finalisation. Pour ces produits, les conditions d’emploi garantissant une protection efficace contre les tiques et l’absence de risques inacceptables pour la santé humaine et l’environnement sont précisées dans les autorisations de mise sur le marché, et figurent sur l’étiquette, l’emballage et/ou la notice des produits.
Consultez la note AST (PDF) sur les répulsifs revendiquant une efficacité répulsive contre les tiques.
Envie d'en savoir plus sur les tiques et tout ce qui pique ?
Découvrez notre podcast d'anticipation intitulé Zootopique et écoutez notre épisode sur les tiques et tout ce qui pique, pour savoir comment la science d'aujourd'hui anticipe les risques de demain.
Une application smartphone pour mieux comprendre et prévenir la maladie de Lyme et les autres maladies transmissibles par les tiques
Signalement-Tique ! Dans le cadre d’un projet appelé CITIQUE, les chercheurs de l’Inrae, de l’Anses et l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort ont développé avec les partenaires scientifiques, notamment le centre national d’expertise sur les vecteurs et le centre national de référence de Borrélia, ainsi que le ministère des Solidarités et de la Santé, un site web et une application smartphone appelés Signalement-Tique. L’application peut être téléchargée sur les plateformes AppStore et PlayStore.
Grâce à l’appli Signalement-Tique, un outil pratique et interactif, les promeneurs peuvent disposer d’informations sur la prévention ou comment enlever une tique où qu’ils soient. Elle permet de fournir des cartes de présence de tiques qui servent aux actions de prévention. Ainsi, cette collecte de données permet, grâce à la mobilisation des citoyens et des chercheurs, l’acquisition de connaissances pour mieux comprendre et prévenir la maladie de Lyme et les autres maladies provoquées par les agents pathogènes transmis par les tiques, notamment dans le cadre du projet de recherche CiTIQUE porté par l’Inrae, l’Anses et l’Université de Lorraine.