Un puceron vert du pêcher
07/10/2024
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Comment les pucerons verts du pêcher résistent aux insecticides à base de néonicotinoïdes

Les néonicotinoïdes ont longtemps été utilisés pour lutter contre les pucerons dans les cultures. L’utilisation répétée de ces substances actives a abouti à la sélection d‘insectes capables d’y résister. Une étude menée par l’Anses en collaboration avec un chercheur de l’université d’Exeter (Royaume-Uni) sur le puceron vert du pêcher a révélé que cette résistance reposait sur deux mécanismes distincts chez cette espèce. L’un est spécifique au mode d’action du produit et l’autre repose sur sa dégradation. Les résultats des scientifiques montrent que des interactions entre mécanismes de résistance sont possibles, une connaissance capitale pour adapter les stratégies de lutte.

Comprendre comment les insectes résistent aux insecticides est déterminant ralentir l’évolution de résistances, qui aboutissent à la diminution de l’efficacité de ces produits. Les scientifiques de l’unité « Caractérisation et suivi des phénomènes d’évolution des résistances » (CASPER) du laboratoire de Lyon de l’Anses et qui est sous contrat avec Inrae, ont mené une étude précisant les mécanismes de résistance des pucerons verts du pêcher aux néonicotinoïdes. Cette étude, qui a fait l’objet d’une publication dans la revue Pest Management Science en juillet 2024, a été réalisée sur le thiaclopride, un néonicotinoïde. Bien que cette famille de produits soit désormais interdite en France, étudier la résistance des pucerons aux néonicotinoïdes reste très utile pour mieux comprendre la résistance des insectes aux produits phytopharmaceutiques en général.

Deux moyens de résister aux insecticides

« Nous savions déjà grâce à des études précédentes que la résistance de ces pucerons aux insecticides est due à deux mécanismes, mais nous ne savions pas quelle était la contribution de chaque mécanisme dans la résistance totale observée », explique Claire Mottet, scientifique dans l’unité CASPER et première autrice de l’étude.

L’un de ces mécanismes est appelé résistance de cible. Cette résistance est spécifique à l’insecticide utilisé. Les néonicotinoïdes agissent en se fixant à un récepteur du système nerveux des insectes. Chez les insectes porteurs d’une résistance de cible, une mutation génétique a modifié la configuration de ce récepteur et la molécule est incapable de s’y fixer, ce qui rend l’insecticide inefficace.

Le second mécanisme est la résistance métabolique. Il s’agit d’une surproduction d’enzymes de détoxification qui permet aux pucerons de dégrader l’insecticide. La production de ces enzymes dépend de la présence et de l’expression de plusieurs gènes.

Pour connaître les contributions respectives de ces deux mécanismes à la résistance des pucerons, les scientifiques ont mesuré l’efficacité du thiaclopride sur des lignées de pucerons porteurs ou non de ces résistances : certains pucerons ne possédaient aucun gène de résistance, d’autres uniquement des gènes de résistance métabolique, en plus en moins grand nombre de copies, et d’autres encore portaient à la fois des gènes de résistance métabolique et de cible. L’équipe a également utilisé un produit capable de bloquer la résistance métabolique pour en déduire l’effet de la résistance de cible.

Une résistance jusqu’à 240 fois supérieure grâce à l’action simultanée des deux mécanismes

Les pucerons porteurs des deux mécanismes ont un niveau de résistance très élevé. La concentration létale 50 (CL50), c’est-à-dire la concentration nécessaire pour tuer la moitié des pucerons, est jusqu’à 240 fois supérieure pour les pucerons porteurs des deux mécanismes de résistance par rapport à ceux non porteurs de résistance.

Les scientifiques ont découvert que les deux mécanismes de résistance agissent en synergie : chez les insectes qui portent les deux mécanismes, la résistance dépasse ce qui pourrait être attendu si l’effet des deux types de résistance s’additionnait simplement, ce qui laisse supposer une interaction entre les deux mécanismes de résistance.

« Nous avons aussi observé que la résistance métabolique contribuait à une part importante de la résistance totale. Nous ne nous attendions pas à ce résultat car chez les autres insectes la résistance de cible est habituellement considérée comme plus importante que la résistance métabolique. », commente la scientifique. Par ailleurs, la résistance métabolique augmente avec l’expression des gènes de résistance correspondants, mais seulement jusqu’à un seuil : au-delà d’une expression de ces gènes cinq fois supérieure à celle des pucerons sensibles, la capacité de résistance ne semble plus augmenter.

« Mieux comprendre la résistance des insectes est important pour adapter les stratégies de lutte. Dans le cas de notre étude, l’interaction entre les deux mécanismes semble trop complexe pour que l’on puisse en tirer une application immédiate mais nos résultats montrent qu’il est possible de mieux comprendre la nature de la résistance observée chez les pucerons, en distinguant l'importance relative des différents mécanismes de résistance impliqués. », conclut Claire Mottet.