Lait maternel : bénéfices nutritionnels et enjeux sanitaires
Dans la continuité de son étude sur l’exposition alimentaire aux contaminants chimiques des enfants non allaités de moins de 3 ans, l’Anses a mené deux expertises spécifiques sur le lait maternel. Les résultats montrent l’importance de réduire les expositions aux contaminants chimiques qui s’accumulent dans l’environnement et dans l’organisme tout au long de la vie, et que l’on peut ensuite retrouver dans le lait maternel. En parallèle, l’Anses confirme les effets bénéfiques de la consommation de lait maternel, qui pourrait limiter le risque de surpoids ou de certaines maladies chez l’enfant.
De nombreux éléments convergent aujourd’hui pour souligner l’influence de l’environnement et de l’alimentation sur la santé dès le stade fœtal. Saisie par la Direction générale de la santé, l’Anses a mené deux expertises centrées sur l’allaitement maternel :
- une évaluation des risques liés à l’exposition aux contaminants chimiques des enfants allaités, dans la continuité de son étude de l’alimentation totale infantile (EATi) ;
- un état des lieux des connaissances sur les bénéfices nutritionnels de l’allaitement pour la santé de l’enfant.
Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du Programme national nutrition santé et du plan d’action engagé par les pouvoirs publics autour des 1000 premiers jours de l’enfant, de la période in utero jusqu’à l’âge de deux ans.
Présence de substances issues de la contamination de l’environnement
Dans cette expertise, l’Anses a estimé les niveaux d’exposition aux substances chimiques des enfants âgés de moins de 6 mois via le lait maternel et les aliments introduits lors de la diversification alimentaire. Trente-deux substances ou familles de substances ont été examinées, sur la base de scénarios simulant de nombreux cas de figure d’exposition différents. Pour la majorité des substances étudiées, le niveau d’exposition n’est pas préoccupant pour la santé : 20 d’entre elles ne dépassent pas les valeurs sanitaires de référence pour la voie alimentaire.
Toutefois, pour 12 substances ou familles de substances, l’Anses montre que le niveau d’exposition des enfants allaités peut dépasser les valeurs sanitaires de référence. Il s’agit d’éléments-trace métalliques - arsenic inorganique, cadmium, chrome, manganèse, nickel et plomb - et de composés polychlorés (PCB, dioxines et lindane), polyfluoroalkylés (PFOS et PFOA) et polybromés (PBDE). Ces substances sont présentes dans divers aliments, l’eau ou encore l’air.
L’estimation des expositions aux contaminants du lait maternel s’appuie sur une étude nommée CONTA-LAIT, basée sur l’analyse de 180 échantillons de lait maternel recueillis dans différentes grandes régions de France de 2013 à 2015. Elle a été réalisée par les hôpitaux de Paris (AP-HP), le LABERCA (Oniris VetAgroBio) et le laboratoire d’analyse chimique Ultra Traces Analyses Aquitaine (UT2A) et l’Anses.
Pour les contaminants présents dans les autres aliments du nourrisson, l’expertise intègre les données produites par l’étude de l’alimentation totale infantile (EATi). Cette étude publiée en 2016 par l’Anses a permis d’évaluer l’exposition alimentaire des enfants non allaités de moins de 3 ans aux contaminants chimiques. Les analyses ont porté sur 670 substances recherchées dans les préparations infantiles et les aliments introduits pendant la diversification alimentaire.
Agir collectivement pour réduire la contamination de l’environnement et des aliments
Les résultats de cette expertise ne sont pas destinés à prédire l'état de santé futur des enfants allaités. Cependant, ils soulignent le besoin d'agir collectivement sur 12 substances préoccupantes.
La majorité des substances chimiques identifiées comme problématiques sont connues pour polluer durablement l’environnement et s’accumuler dans les tissus gras ou osseux du corps humain. Leur présence dans l’organisme des mères allaitantes provient de toutes leurs expositions passées. L’exposition des nourrissons aux contaminants métalliques provient quant à elle majoritairement des aliments couramment introduits pendant la diversification alimentaire.
Ces substances étant très présentes dans l’environnement et les aliments, de façon générale, iI n’est pas pertinent de recommander aux femmes des actions individuelles pour limiter leur exposition et celle de leur enfant. Toutefois, l’Anses a formulé en 2019 des recommandations de consommation de poissons pour les femmes enceintes et allaitantes afin de maîtriser l’exposition aux contaminants chimiques de cette famille d’aliments.
L’Anses appelle donc à renforcer l’action collective déjà engagée par les pouvoirs publics pour réduire la contamination de l’environnement et des aliments. Cela passe notamment par l’encadrement réglementaire des substances, l’identification et la maîtrise des sources de contamination et par la surveillance de la chaîne alimentaire.
Cette expertise souligne également le besoin de réaliser des études complémentaires. Il est notamment nécessaire de décrire plus précisément la contamination du lait maternel en France et de suivre cette contamination dans le temps ainsi que son impact possible sur le développement des jeunes enfants.
Confirmation des bénéfices nutritionnels du lait maternel pour la santé de l’enfant
En parallèle, l’Anses a dressé un état des lieux des connaissances scientifiques sur les bénéfices nutritionnels du lait maternel sur la santé de l’enfant. Cette expertise s’appuie sur de nombreuses études épidémiologiques qui mettent en évidence des bénéfices du lait maternel pour la santé de l’enfant.
Les conclusions de l’Anses confirment la relation positive entre la consommation de lait maternel et la réduction du risque de surpoids à tous les âges, ou encore un effet favorable sur le développement cognitif. Des données suggèrent aussi que l’allaitement pourrait contribuer à réduire le risque de diabète de type 1, de leucémies ou encore d’otites moyennes aigües (mais seulement jusqu’à l’âge de 2 ans pour ces dernières).
Pour la santé de la mère et de l’enfant, l’Anses rappelle qu’il est nécessaire de suivre des recommandations alimentaires spécifiques pour les femmes enceintes et allaitantes, afin de couvrir les besoins nutritionnels accrus pendant cette période.
En complément des travaux de l’Anses sur les effets sanitaires liés au lait maternel, la Direction générale de la santé a également sollicité le Haut Conseil de la santé publique afin d’établir des recommandations relatives à la pratique de l’allaitement maternel en France.
Santé publique France a par ailleurs mis en évidence, dans la seconde édition de l’enquête Epifane publiée en juillet 2024, une progression de la pratique de l’allaitement maternel en France.
En janvier 2023, l’Anses adressait au ministère chargé de la Santé une note sur ses travaux relatifs au lait maternel. Cette note, qui synthétisait à date les principaux enseignements des deux expertises, recommandait que des travaux complémentaires soient engagés pour établir un état des lieux plus complet des risques et des bénéfices de l’allaitement maternel, en vue d’alimenter l’action publique. Comme proposé dans cette note, les expertises de l’Anses sont ainsi publiées au même moment que les travaux sur l’allaitement maternel confiés au Haut Conseil de la santé publique.